Rue Boyer, en partie disparue
Pour ceux qui s'intérèssent à la petite histoire de la boulangerie Brosseau; ils seront fascinés par l'extrait de l'atlas des assureurs de 1934 qui montre l'installation de la boulangerie. La photo qui était déjà sur le blog laissait à penser que l'entreprise n'était pas très grosse et un peu cachée dans le tissu urbain; eh bien! détrompez-vous car ce n'était pas le cas du tout. L'atlas nous montre plutôt une assez grosse installation, qui occupe presque la moitié du pâté de maisons de la rue Boyer, entre Rachel et Marie-Anne. L'annuaire Lovell des entreprises indique que la boulangerie occupe alors les bâtiments du 49 au 99 rue Boyer (numérotation antérieure à 1926). J'ai représenté l'espace occupé par la boulangerie entre les points rouges.
Les édifices en gris, sont les bâtiments industriels proprement dits, tandis que les bleus et rose représentent du résidentiel. Même un petit bâtiment du côté ouest de la rue semble faire partie des installations de J.A. Brosseau. D'ailleurs, pour ceux qui se retrouveraient sur place, vous remarquerez dans ce secteur que quelques bâtiments possèdent un «cartouche» avec l'inscription «JAB» et l'année de construction. Il s'agit là de constructions réalisées par J.A. Brosseau en lieu et place de ses anciennes installations, lorsqu'elles disparurent. D'ailleurs, le monsieur Brosseau en question habitait lui-même sur la rue Christophe-Colomb, vis-à-vis sa boulangerie (vraisemblablement à ce qui serait aujourd'hui le 4268) .
Je suis fort impressionné! Que de secrets nous cache encore ce bon vieux quartier du Plateau.
l'extrait de l'atlas des assureurs provient de la collection numérique de la BANQ. cliquez sur la carte pour l'agrandir
suite (texte original)
Un lecteur de ce blog, monsieur Robert Caron, grand amoureux du quartier et dont l'enfance s'est déroulée à l'ombre des clochers de l'église Saint-Stanislas, a pris contact avec moi pour me faire parvenir quelques extraits de films amateurs montrant des scènes du quartier. Ce matériel documentaire est magnifique et je vous en reparlerai plus loin car j'aimerais maintenant vous parler surtout d'une photo qu'il m'a également fait parvenir. Cette photo est exceptionnelle, en ce sens qu'elle nous montre comment un quartier peut changer avec le temps et, surtout, comment certaines situations aujourd'hui disparues peuvent être ramenées à la vie grâce à de vieilles photos.
La photo provient de la collection de Robert Caron (cliquez pour l'agrandir)
La photo, qui date de 1910, nous montre les installations de la boulangerie J.A. Brosseau sise sur la rue Boyer, côté est, entre Rachel et Marie-Anne. Tous les employés et patrons posent fièrement devant le lieu de leur «gagne-pain» (sans jeu de mot). Ce genre de photo «corporative» est courant à cette époque et on en retrouve souvent en illustrations dans les livres sur l'histoire de la ville. On y voit ici habillés en blanc les boulangers, en cravate et chapeau melon, les patrons ou contremaîtres, et finalement avec leurs sacs en bandouillère, les livreurs de pain. D'ailleurs, on voit derrière eux, une «voiture» de livraison, dont le «moteur» doit être à manger son avoine quelque part dans une écurie à proximité. Ces petites boulangeries livraient le pain à l'aide d'une voiture hippomobile à peu de chose près comme celles des laitiers. À mon souvenir, un carton était placé à la vue, dans la porte d'entrée des résidences et le boulanger apportait alors le pain approprié. Il sonnait à la porte, puisqu'il n'était pas question qu'il laisse le pain sur la galerie.
À mon souvenir, encore une fois, dans le cas où exceptionnellement la «ménagère» (pardonnez-moi mesdames, mais c'est comme ça que s'appelait la «femme au foyer» dans ce temps-là; je n'y suis pour rien) s'était absentée, alors le boulanger laissait le pain au-dessus de la porte, derrière la plaque du numéro civique. Jeune garçon, j'ai vu les laitiers et boulangers faire leur distribution avec une voiture à cheval. Chez-nous, on achetait un «pain de fesse» de la boulangerie Durivage. Ce n'était ni plus ni moins qu'une grosse miche, formée de deux parties renflées; d'où son nom poétique et usuel. C'était délicieux. Avec un nom comme ça, on peut présumer qu'il aura probablement permis aux livreurs de faire quelques jeux de mots grivois avec la clientèle.
Lorsqu'on se retrouve aujourd'hui devant le 4279 rue Boyer, il est difficile d'imaginer la scène puisque les résidences ont repris tout l'espace. Toutefois, en regardant la photo ancienne et en retournant dans le temps, on peut presque entendre le bruit des chevaux et des voitures de livraisons qui s'agitent dans la cour, les voix qui s'interpellent pour savoir qui chargera en premier; mais surtout, il est facile d'imaginer l'odeur caractéristique du bon pain qui cuit et qui embaume le voisinage. Toute cette activité, en plein coeur des quartiers résidentiels, est typique de ce temps-là. Souvent, ces petites entreprises s'étaient installées sur des terrains vacants et, au fil du temps, c'est le développement immobilier qui les rattrapaient (comme c'est encore souvent le cas aujourd'hui). Pour les personnes curieuses qui visiteraient le secteur, vous observerez sur les frontons de certains édifices à proximité, les inscriptions «J.A.B. » et une année de construction. Cela signifie que ces maisons ont été construites par J.A. Brosseau.
C'est fascinant de se rappeler comment les choses fonctionnaient dans ce temps révolu. On retrouvait également plusieurs petites laiteries disséminées dans le tissu urbain. Il y avait aussi ces petites boulangeries et toutes ces petites épiceries de quartier qui occupaient la plupart du temps les coins de rues. C'était une façon de fonctionner qui est complètement disparue avec l'évolution du mode de vie. Je tente d'amasser de l'information sur le sujet pour un futur dossier dans ces pages.
Pour en revenir au cinéma, les séquences offertes par Robert Caron présentent surtout des scènes du parc Laurier et du parc Lafontaine. Les plus vieilles, où l'on voit des militaires en permission (ou encore qui attendent leur départ pour les «vieux pays»), remontent à 1943. Égalementt, une assez longue séquence couleur présente très bien le Jardin des Merveilles avec ses attractions et son animation, tel qu'il existait à la fin des années soixante. Aussitôt que je sais comment fonctionne «Dailymotion», je vous offrirai ce petit vidéo savoureux et inédit.
Un merci à Monsieur Robert Caron qui a suscité l'écriture de cette page avec sa photo de boulangerie et ses informations.